La Chapelle ROSSLYN un morceau de maçonnerie écossaise
Introduction Localisée en Ecosse, à quelques kilomètre au sud de la capitale Edinbourgh, ce joyau d'architecture gothique du XVème siècle est en train de ressortir peu à peu de l'oubli dans lequel il se trouvait depuis des siècles. Les récentes spéculations sur la nature du mystère de Rennes-le-Château ont en effet attiré l'attention du grand public sur cette chapelle inachevée au sculptures symboliques transmettant un message que l'on pourrait penser similaire à celui de la franc-maçonnerie. Le lien entre les deux n'est toutefois historiquement pas démontré, au contraire de ce que clament nombres d'ouvrages anglo-saxons. Ceux-ci ont aussi fait un amalgame avec une possible participation templière. Là aussi les preuves avancées sont très faibles et les dates ne concordent pas avec la réalité comme nous le montrerons. Enfin, Pierre Plantard, grand maître du Prieuré de Sion, a repris à son compte le nom du fondateur de la chapelle en se faisant appeler Pierre Plantard de Saint Clair (Sinclair), qui, avec le rapport entre Roseline et le Méridien de Paris (Rose Ligne), a créé un nouveau lien ésotérique quoique le but n'en soit pas encore clair. Tous ces éléments disparates et souvent imaginaires ont fait que certains chercheurs n'ont pas craint de tout mettre dans le même sac, à savoir templiers, franc-maçons, Prieuré de Sion, le saint Graal, l'Arche d'Alliance, le Méridien de Paris et tant d'autres éléments légendaires, sans prendre la peine, peut-être par manque de travail mais surtout pas goût du sensationnel, de rassembler ce qui est épars. La réalité apparaît beaucoup moins surréelle, et pourtant tout aussi passionnante puisqu'elle nous entraîne dans l'histoire des guildes de maçons écossais, aussi tenterons nous de remettre les choses au clair en nous basant sur des documents historiques anciens consultables par tous pour prouver le non-fondé de la plupart des rumeurs actuelles. Et
comme on
ne pourra nier la présence de symboles initiatiques sculptés
dans la chapelle, nous essaierons d'en approfondir le sens par une
approche ésotérique.
La chapelle Rosslyn, qui était destinée à s'appeler Chapelle Collégiale de Saint-Matthieu, a été fondée en 1446 par Sir William Saint Clair, troisième du nom, et dernier Prince Saint-Clair d'Orkney. Ce qui existe aujourd'hui était prévu en réalité n'être qu'une partie du choeur d'une grande construction cruciforme avec une tour en son centre. La chapelle apparait dans de vieux écrits comme ROSKELIN (un mot en langue galloise ou Erse, signifiant une colline dans un glen; description exacte de la situation de l'endroit). Environ 4 miles au sud d'Edinbourgh, elle est située sur une surélévation, appelée Colline de la Collégiale. Une de ses appellations anciennes est la chapelle au milieu des bois (the Chapel amidst the woods). Plus de trente-sept églises collégiales ont été construites en Ecosse entre les règnes de James I et James IV (1406-1513). Ces constructions séculaires était censées diffuser la connaissance intellectuelle et spirituelle, et leur extravagance ne dépendait que de la richesse de leur fondateur. Après la mort de Sir William en 1484, celui-ci fut enterré dans la chapelle non-finie, et le bâtiment plus important qu'il avait prévu de faire construire ne fut jamais complété. Mais il semblerait que les fondations de la nef aient été déterrées au XIXème siècle et s'étendraient 30 mètres (91 pieds) au-delà de l'entrée ouest originale, sous le baptistère et le gazon existant. Ce qui fut construit est toutefois suffisamment extraordinaire dans tous les sens du terme. L'érudit anglais Briton écrivit en 1812 dans son Architectural Antiquities of Britain: "Ce bâtiment, je le crois, peut être déclaré unique, et je suis persuadé qu'il sera considéré comme curieux, élaboré et singulièrement intéressant, impossible à définir par un terme familier", en ajoutant un tant soit peu désespérément que "sa variété et son excentricité ne peuvent être définies par aucun mot ou acceptation commune". La principale autorité sur le sujet de l'histoire de la Chapelle et de la famille Saint-Clair est le Père Richard Augustine Hay, du Canon de Sainte-Geneviève à Paris et Prieur de Saint-Piermont. Il a examiné les registres historiques et les chartes des Saint-Clair et a complété trois volumes d'études en 1700, des parties desquels furent publiées en 1835 en tant que Généalogie des Sainteclaires de Rosslyn. Ses recherches sont capitales puisque les documents originaux qui ont servi à sa rédaction ont disparu peu après.
Le fils de Sir William, et son successeur à la baronie de Rosslyn, Sir Olivier St Clair, fit recouvrir le choeur d'un toit avec ses voûtes de pierres mais il ne fit rien de plus pour terminer le chef d'oeuvre original de son père. Les registres de la Paroisse de Dalkeith révèlent qu'en 1589 William Knox, frère de John Knox et prêtre de Cockpen, fut interdit "de baptiser le nouveau-né de la comtesse de Rosling", dans la chapelle Rosslyn, laquelle était décrite comme "un monument d'idolâtrie, et pas un endroit approprié pour enseigner la Parole et l'administration du Saint-Sacrement." L'année suivante, la Paroisse interdit M. George Ramsay, prêtre de Lasswade, d'enterrer dans la chapelle la veuve d'Olivier St Clair. Les St Clair n'avaient pas encore cédé à la Réforme et restaient fidèles à l'église catholique romaine. Le même Olivier St Clair a été averti plusieurs fois qu'il devait détruire les autels de la chapelle et en 1592 il fut sommé d'apparaître devant l'Assemblée Générale et menacé d'excommunication si les autels restaient intacts après le 17 août 1592. Le 31 août, le même George Ramsay rapporta que "les autels de Roslene ont été démolis". A partir de ce moment la chapelle cessa d'être utilisée comme maison de prière et tomba bientôt dans l'oubli. En 1650, pendant la Guerre Civile d'Angleterre, les troupes de Cromwell sous les ordres du General Monk attaquèrent le château de Roslin et la chapelle servit d'étable pour ses chevaux. Le château de Rosslyn - il n'en reste plus que des ruines aujourd'hui Le 11 décembre 1688, peu après que le protestant Guillaume d'Orange débarqua en Angleterre et démit le roi catholique James II, une partie du peuple d'Edinbourgh et des villageois de Roslin entrèrent dans la chapelle et la mirent à sac. Leur objectif était de détruire les meubles et les tissus, qui étaient alors considérés comme représentant le Pape, et donc comme idolâtres. La chapelle resta abandonnée jusqu'en 1736, date à laquelle Sir James St Clair vitra les fenêtres pour la première fois, répara le toit, et recouvrir le sol de dalles. C'est à cette époque aussi que le mur entourant le terrain de la chapelle fut construit. Des réparations plus importantes furent entreprises au début du XIXème siècle et en 1861, James Alexander, 3ème Comte de Rosslyn, accepta que les services religieux reprennent le dimanche. Il employa l'architecte d'Edinbourgh David Bryce pour s'occuper de la restauration du bâtiment. Celui-ci prit soin des sculptures dans la chapelle Notre-Dame, de nouvelles dalles furent déposées dans la crypte et un autel y fut établi. La chapelle fut dédicacée de nouveau le mardi 22 avril 1862 par l'évêque d'Edinbourgh et l'évêque de Brechin fit un sermon à partir du texte "Seigneur, j'aime la beauté de ta maison et le lieu du séjour de ta gloire" (Psaume XXVI, v8). La Chapelle Rosslyn, vue de l'entrée Nord - gravure de 1778 La chapelle n'attira jamais la foule le dimanche (en 1942 il y eut un dimanche seulement deux personnes dans l'attendance) et elle manqua être fermée plus d'une fois. Ajouté à cela, l'humidité importante favorisa le développement d'une algue parasite sur les pierres, et en mars 1997, une structure de métal fut érigée pour couvrir la chapelle et lui permettre ainsi de sécher sur plusieurs années. Aujourd'hui, la chapelle est protégée par le Rosslyn Chapel Trust qui s'occupe de récolter des fonds à travers les visites pour rénover la chapelle, et entamer des travaux archéologiques. En même temps, tous les jours un nombre croissant de personnes se prennent de passion pour cette chapelle aux ciselures et sculptures uniques, auxquelles de nouvelles légendes sont venues se greffer. L'une d'elle, loin d'être négligeable, concerne l'apparition de la Franc-Maçonnerie dans le monde. La Chapelle Rosslyn et la Franc-Maçonnerie D'après un opuscule édité par la Grande Loge d'Ecosse en l'année 2000, la franc-maçonnerie écossaise possède sur le sujet une documentation longue et bien documentée remontant à 1598. La connection entre les maçons écossais et les St-Clair de Roslin aurait commencé, au moins, aux environs de 1601 quand les maçons d'Ecosse ont officiellement reconnu William, Comte de Roslin (~1580 - ~1628) comme leur "patron et protecteur". Ce fait, connu comme étant la "Première Charte des St-Clairs", implique qu'il y aurait eu une association déjà existante entre les maçons écossais et la famille St-Clair. On peut seulement spéculer qu'elle a commencé aux environs de 1446 avec la construction de la chapelle Rosslyn puisque le comte de l'époque avait fait construire l'actuel village pour y loger les bâtisseurs. Vers 1628, les maçons écossais ont renouvelé leur reconnaissance envers le fils du comte, aussi nommé William (? - 1650), et cette "Seconde Charte des St-Clairs" est similaire. Ces deux précieux documents sont la propriété de la Grande Loge d'Ecosse et sont conservés dans la Bibliothèque du Freemasons' Hall, 96 George Street, Edinburgh.
Après un saut de plus d'une centaine d'années, la connection avec la famille fut rétablie en 1736 lorsqu'un autre William St-Clair de Roslin (1700 - 1778) devin le premier Grand Maître Maçon de la Grande Loge nouvellement créée. Cela suivit de peu la création officielle de la Grande Loge d'Angleterre, en 1717, qui déclara l'existence officielle d'une certaine maçonnerie spéculative moderne. Auparavant, les loges étaient composées de maçons de métier, comme l'a perpétué le Compagnonnage actuel. Il importe donc de bien remarquer qu'entre la construction de la chapelle Rosslyn et l'apparition de la maçonnerie spéculative "moderne", il se passe environ 300 ans pendant lesquels la chapelle fut laissée à l'abandon. Ceci devrait balayer toutes les théories de complots faisant entrer les templiers dans la danse, l'Ordre de ceux-ci ayant été officiellement anéanti en 1314, et la construction de la chapelle n'ayant été entamée qu'en 1446, c'est-à-dire 132 ans plus tard. Ce qui est par contre plus que probable, c'est que la franc-maçonnerie en tant que société initiatique moderne a hérité d'un certain nombre de rites et symboles provenant effectivement des guildes de maçons libres du Moyen-Age. Aussi est-il très tentant d'en retrouver le témoignage dans la chapelle Roslyn puisque ceux-ci y ont officiellement oeuvré et été protégés par la famille St-Clair. A Suivre... |
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Rosslyn.zip (425 kb) - 22 juillet 2002