Les Gouliards

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IV

« Comme Pantagruel descendit au manoir de messere Gaster, premier maistre ès ars du monde.


« En icelluy jour Pantagruel descendit en une isle admirable entre toutes aultres, tant à cause de l'assiette que du gouverneur d'icelle. Elle de tous coustez pour le commencement estoit pierreuse, montueuse, infertile, mal plaisante à l'oeil, très difficile au pied et peu moins accessible que le mons du Dauphiné, ainsi dit pour ce qu'il est en forme de potiron, et de toute mémoire personne surmonter ne l'a pu, fors Doyar, conducteur de l'artillerie du roy Charles huitième, lequel avec engins mirificques y monta, et au-dessus trouva un vieil bélier. C'estoit à deviner qui transporté l'avoit. Aulcun le dit estant jeune aignelet par quelque aigle ou duc chassant à ravy s'estre entre les buissons saulvé. Surmontant les difficultés de l'entrée à peine bien grande, et non sans suer, trouvasmes le dessus du mons tant plaisant, tant fertile, tant salubre et délicieux, que jepensoys estre le vray jardin et paradis terrestre, de la situation duquel tant disputent et labourent les bons théologiens. Mais Pantagruel nous affirmoit là estre le manoir de Arete (c'est Vertu), par Hésiode descript, sans toutefoys préjudice de plus saine opinion.


« Le gouverneur d'icelle estoit messere Gaster, premier maistre ès ars de ce monde. Si croyez que le feu soit le grand maistre des ars comme escript Cicéron, vous errez et vous faictes tord, car Cicéron ne le creut oncques. Si croyez que Mercure soit le premier inventeur des ars , comme jadis croyoient nos antiques druides, vous fourvoyez grandement. La sentence du satiricque est vraye qui dict messere Gaster estre de tous ars le maistre. Avec icelluy pacificquement résidoit la bonne dame Penie, autrement dite Souffreté, mère des neuf muses, de laquelle jadis, en compagnie de Porus, seigneur de Abondance, nous nasquit Amour, le noble enfant médiateur du ciel et de la terre, comme atteste Platon, in Symposio.


A ce chevalereux roy force nous fait faire révérence, jurer obéissance et honneur porter, car il est impérieux, rigoureux, rond, difficile, inflexible. A lui on ne peut rien faire croyre, rien remontrer, rien persuader. Il ne oyt poinct. Et comme les Egyptiens disoient Harpocras dieu de Silence, en grec nommé Sigalion, estre astomé, c'est-à-dire sans bouche, ainsi Gaster sans oreilles fut créé, comme en Gandie le simulachre de Juppiter estoit sans aureilles. Il ne parle que par signes, mais à ses signes tout le monde obeist plus soubdain qu'aux édicts des préteurs et mandemens des roys. A ses sommations délay aulcun et demeure aulcune il ne admet. Vous dictes que au rugissement du lyon toutes les bestes loing à l'entour frémissent, tant (sçavoir est) que estre peult sa voix ouye. Il est escript, il est vray, je l'ay veu. Je vous certifie que au mandement de messere Gaster tout le ciel tremble, toute la terre bransle. Son mandement est nommé, faire le fault sans delay ou mourir.


« Le pilot nous racontoit comment un jour, à l'exemple des membres conspirant contre le ventre, ainsi que descript AEsope, tout le royaume des Somates contre luy conspira et conjura soy soubstrayre de son obéissance; mais bientoust s'en sentit, s'en repentit et s'en retourna en son service en toute humilité. Aultrement tous de male famine périssoient. En quelques compaignies qu'il soyt, discepter ne fault de supériorité et préférence ; toujours va devant, y fussent roys, empereurs, voire certes le pape. Et au concile de Basle le premier alla, quoique on vous die que ledict concile fut sédicieux, ô cause des contentions et ambitions des lieux premiers. Pour le servir tout le monde est empesché, tout le concile labeure. Aussi pour récompense il faict ce bien au monde, qu'il luy invente toutes arts, toutes machines, tous mestiers, tous engins et subtilitez; mesme ès animaux brutaux il apprent ars desniées de nature. Les corbeaux, les gays, les papeguays, les estourneaux il rend poetes ; les pies il fait poëtrides et leur apprent languaige humain proférer, chanter, parler. Et tout pour la trippe.


« Les aigles, gerfaulx, faulcons, saires, laniers, austours, esparviers, esmerillons, oyseaux, aguars, peregrins, essors, rapineux, saulvaiges, il domestique et apprivoise, de telle façon que les abandonnant en pleine liberté du ciel, quant bon ly semble, tant hault qu'il voudra, tant que luy plaist, les tient; suspens, errans, volans, planans, le muguetant, lui faisans la court au-dessus des nues; puys soubdain les faict du ciel en terre fondre. Et tout pour la trippe.


« Les elephans, les lyons, les rhinocerotes, les ours, les chevaulx, les chiens, il faict danser, baller, voltiger, coinbaltre, nager, soy cacher; aporter ce qu'il veult, prendre ce qu'il veult. Et tout pour la trippe.


« Les poissons, tant de mer comme d'eaue doulce, balaines et monstres marins, sortir il faict du bas abisme, les loups jecter hors des boys, les ours hors des rochiers, les renards hors des tesnières, les serpens lance hors de terre. Et tout pour la trippe.


« Brief est tant enorme, que en sa rage il mainge tous, bestes et gens, comme feust veu chez les Vascons, lorsque Q. Metellus les assiegeoit par les guerres sertorianes; entre les Sagontins assiesgez par Hannibal ; entre les Juifz assiesgez par les Romains ; six cents aultres. Et tout pour la trippe.


« Quand Penie sa regente se mect en voye, la part qu'elle va tous les parlemens sont clous, tous esdictz mutz, toutes ordonnances vaines. A loy aulcune n'est subjecte, de toutes est exempte. Chascun la refayt en tous endroicts, plus toust se exposant ès naufrages de mer, plus toust eslisans par feu, par mons, par goulphres passer que d'icelle estre apprehendé. »


Que de paraphrases terribles a reçues ce chapitre titanesque. II y a une trentaine d'années, Darcier faisait venir la chair de poule en chantant le lugubre refrain de la Marseillaise de la faim :

          On n’apaise pas le murmure
          Du peuple quand il dit : « J'ai faim ! »
          Car c'est le cri de la nature;
          II faut du pain! II faut du pain!


Ce cri, qui ne l'a entendu il y a dix ans, lorsqu'il força Paris à capituler?


Ainsi le secret de la dive bouteille, c'est les deux piles maçonniques, le B et le J, c’est-à-dire le boire et le manger [Note : Cet hiéroglyphe, dont les francs-maçons n’ont pas le mot, s’écrit par un B romain ou majuscule et un j en coulée de chaque côté d’un niveau, ce qui fait : « boire, mange, colonne, veuille »]. C'était déjà la clef de toute la partie philosophique du poème de Rabelais et celle de toutes les philosophies antiques; mais la science moderne est venue singulièrement en accroître l'importance, car elle démontre que la base de tout le monde vivant est la cellule, autrement dit un tube digestif, infime serviteur de messer Gaster, mais aussi sourd et aussi impérieux que lui, et dont l'unique loi est le struggle for life rendu célèbre par Darwin. Messer Gaster n'est plus seulement le maître des arts, il est maître de la création tout entière; la lutte pour la vie de la cellule a produit toutes les combinaisons du monde qui nous entoure, et nous assistons encore à la formation de continents produits par un messer Gaster lilliputien qui n'en fait pas moins besogne de géant.


Le ventre, c'est l'architecte, le bon travailleur, que reproduisent si souvent les pierres gravées étrusques sous la forme d'un tronc humain toujours sans jambes et sans bras, et quelquefois sans tête; du reste, nos musées sont encore remplis de ces divinités de Lampsaque, sans bras ni jambes, représentant exactement ce que Platon entendait par Eros, qui n'était pas l'amour moderne, mais le désir ou plus simplement la vie. Il y avait donc conformité complète entre la doctrine de Platon et celle des Gouliards, et cette conformité n'avait pas échappé à Rabelais, car il cite à ce propos un passage d'Euripide, qui, parlant du cyclope ou cabire Polyphème, le fait s'exprimer ainsi : « Je ne sacrifie que à moy (aux dieux poinct) et à cestuy mon ventre, le plus grand de tous les dieux. »


En effet, Polyphème, le plus grand des cyclopes ou des cabires démiurges sans bras ni jambes, n'était autre que messer Gasier en personne. Son nom veut dire : qui mange beaucoup, et à chaque carnaval la basoche lyonnaise promenait son effigie sous le nom de Maschecroûte, équivalent français du grec Polyphème.


Le sixième livre du Pantagruel reproduit en hiéroglyplies le mot de la divine bouteille, et explique en même temps ce que c'était que cette bouteille et quel était le sens du mot lanternois. Mais comme on a pu s'apercevoir que la clarté n'était cependant pas la qualité dominante de cet illustre langage, je vais me contenter d'en extraire la quintessence et de la délayer en vile prose :


          La lanterne humaine, c'est le ventre;
          II est la raison qui ordonne que chacun travaille;
          Il soumet les humains à des rois qui ne sont que vrais fols,
          Mais il est des raillards qui assurent qu'ils n'ont d'égal
          Que celui qu'un noble ventre a fait éclore.
          Sans peine ils y trouvent la raison
          Que ce fut l'architecte bon travailleur,
          Messire ventre, qui aima et fit crosse et trône.
          Guère n'est fol qui nie le dieu Bouteille,
          Gouverne Rome, se garde France boute elle.
          A qui reçoit le secret de lire le lanternois,
          Montre que l'huile humaine est bouteille.
          Qui la sert, s'il a soif, boive sec.
          Guères sans vin se peut age supporter.;
          Guères joies n'être, si l'ennui n'y laisses
          Modéré n'use n'y trouve que bonheur.


Tel est ce catéchisme bachique, qui n'est pas après tout bien subversif; il s'est transmis, sans grande altération, jusqu'au bonhomme Béranger, qui a dû être un des derniers Gouliards. Voici maintenant les conditions exigées du néophyte qui voulait être admis dans l'ordre, elles supposent nécessairement un dessinateur:


          On doit d’abord faire une oeuvre qui prouve
          Que nul autre n'a fait la pareille.
          On ne peut la composer qu'en français
          Sur toutes choses qui se meuvent en l'heure (actualités).
          Dans cette planche qu'il n'y ait pas d'autre rime que poule.
          On use de cette rime afin que la retrouvant
          Le maçon puisse lire ce qu'on a mis dans la planche.
          Le pourple a pour fin d'abattre Rome,
          A cette fin qu'il cherche à gagner des rois aux Gouliards.
          Qui se dit pourple le certifie;
          Que les pairs apprécient le signe qu'il en donne.
          Il doit faire une planche où l'on sente qu'il est habile.
          Si son rébus le mérite, qu'on lui en signe l'acte et le plombe (scelle).
          Cet acte doit être une image ornée à jeu de pinceau.
          Il écrit au Febvre s'il a sujet de plainte.
          Le pourple doit offrir de payer les frais du scel.
          Son but est de développer le goût du fantastique.


Tout cela annonce une étude si profonde des arts du dessin, que je me demande si c'est bien de Rabelais. Mais pourquoi, après tout, ce règlement n'aurait-il pas été rédigé par lui? Toute son oeuvre atteste qu'il avait analysé à fond l'art de son temps et que c'était par ce procédé qu'il avait lui-même développé son goût pour le fantastique. II cite les compositions fantastiques de la cathédrale de Strasbourg et surtout celles de l'auteur du Songe de Polyphile, en homme pour qui l'art gothique n'avait pas de secrets, et, à propos d'art gothique, ne faut-il pas chercher l'étymologie si contestée de ce terme dans les Gaults ou Gouliards, plutôt que dans les Goths d'Espagne, qui avaient disparu de l'histoire longtemps avant l'apparition du style qui porte leur nom ? Du temps de Rabelais, Gault s'écrivait gaut et se prononçait got. Quoi qu'il en soit, il est certain que l'art gothique était bien celui des Gaults et qu'aucune comparaison n'est plus juste que celle de l'oeuvre de Rabelais à une cathédrale. On ne peut pas dire qu'elle soit unique, ni isolée; de son temps, et après lui, on a publié un grand nombre de poèmes blasonnés où les figures étaient remplacées par la description. Tels sont notamment les Dicts moraux pour mettre en tapisserie de maître Henry Baude, qui ont été réédités récemment.


Voici l'une de ses compositions :

(Un bonhomme, regardant un boys auquet a, entre deux albres, une grant toile d'araigne)

UN COURTISAN.
Bonhomme, dis-moi, si tu daignes,
Que regardes-tu dans ce boys?

LE BONHOMME.
Je pense aux toiles des araignes,
Qui sont semblables a nos droits.
Grosses mousches en tous endroits
Passent, les petites sont prises.

UN FOL.
Les petits sont subjects aux loys,
Et les grans en font à leur guise.

In cauda venenum. Charles de Guise, cardinal de Lorraine, était alors le favori avoué de Catherine de Médicis, ce qui donnait lieu à des milliers de caricatures et de mascarades plus sanglantes les unes que les autres, dont M. Champfleury rapporte un certain nombre dans son Histoire de la caricature. Aussi le dernier vers de ce dialogue satirique est le sujet même de la tapisserie, dont la traduction est :


Vile ne dût brûle n'aime reine tel
[Note : Mot à Mot : Vilain, 2 albres loin, Mi (au milieu) araigne teile]
(On devrait brûler la reine vile qui aime tel (Guise).)

Telle était la menue monnaie de la satire gouliaresque, et nous verrons que le dix-huitième siècle en a fait un prodigieux abus. Ces petites compositions ne manquent ni de sel ni de malice; mais de ces blueltes aux grandes compositions de Rabelais, dans lesquelles il n'est pas une virgule mise sans raison, quelle incommensurable distance! Assurément, son oeuvre parait bien plus colossale et plus prodigieuse, lorsque l'on sait que des édifices titanesques comme le chapitre LVII du livre IV reposent sur des bases fouillées au microscope, comme un bloc de corail; mais il a si peu besoin de ces arguties gouliaresques, que, depuis près de quatre siècles, on en dévore la partie lumineuse, sans s'inquiéter de ce qui grouille dans la partie ténébreuse.


Cependant cette partie ténébreuse est pleine de renseignements non seulement sur l'histoire secrète de son temps, mais encore sur celle des Gouliards, qui valent la peine qu'on se donne pour rompre cet os médullaire, et de ce nombre sont les deux chapitres où il est traité des engastrimythes et des gastrolâtres.


Au premier abord on pourrait voir, dans les engastrimythes, le clergé romain ; mais Rabelais était trop savant pour donner sérieusement dans le protestantisme et se mettre à la suite de Luther ou de Calvin. La Réforme ne prit jamais pied dans les pays où les Gouliards étaient en force : 1° parce qu'elle tendait à relever l'aristocratie, que les Gouliards avaient pour mission d'abattre; 2° parce qu'il ne leur était pas plus difficile de se soumettre, au moins en apparence, à l'ensemble raisonné des dogmes catholiques qu'à l'éclectisme absurde des réformateurs. C'est ce qui explique pourquoi Rome a toujours préféré les libertins aux hérétiques. D'un autre côté, les Gouliards, comme les platoniciens dont ils descendaient, tenaient essentiellement à garder la lumière sous le boisseau, car ils sentaient, comme l'événement l'a prouvé du reste, que, s'ils étaient la négation persistante de l'Eglise romaine, ils faisaient cependant partie intégrante de cette Eglise et que le jour où ils la renverseraient, ils périraient, comme Samson, sous les ruines de l'édifice dont ils auraient sapé les deux piliers symboliques. Aussi, dans la partie secrète de son oeuvre, Rabelais s'occupe-t-il exclusivement de politique ou des faits des Gouliards, ses contemporains, qu'il a beaucoup plus sévèrement critiqués que l'Eglise de Rome.


En effet, les Gouliards fournissaient toute une clique d'astrologues « divinateurs, ou chanteurs et amuseurs du simple peuple, semblans non de la bouche, mais du ventre, parler et respondre à ceulx qui les interrogeoient». Ce sont ces engastrimythes que déteste Pantagruel.


Mais il n'aime pas davantage les gastrolâtres, dans lesquels il n'est pas difficile de reconnaître les francs-maçons du parti aristocratique ou de la suite de Diane de Poitiers.


Comment cette grande dame était-elle devenue maîtresse pourple? C'est ce que j'ignore; mais elle devait tenir beaucoup à ce titre, car, au lieu de son blason nobiliaire, c'est son blason de rose-croix qui décore à profusion son tombeau et sa chapelle si prodigieusement païenne du château d'Anet.


C'est un écusson dit cuir ou coeur, supporté par une paire de palmes en sautoir écourtées ou taillées, et surmonté d'une tête d'ange ou angle, suivant l'ancienne prononciation.


La lecture est : Pourple maistresse telle croix signe gueule.
[Note : Cette formule peut s’interpréter aussi: Qui croit en saint Gueule, saint Gal ou saint Gaul. De là est venu le nom de gueule-croix, d’où l’on a fait rose-croix.


Le cœur contient un croissant avec l'HD enfibulés de Henri II, qui en modifie ou brise le sens, et ce sens est:


          Crime les rois, mie ne se pardonnent faibles.


« Les rois ne pardonnent pas les crimes aux faibles, » ce qui semble faire allusion à la condamnation de son père.


Diane remplissait sérieusement ses devoirs de Gouliarde, car elle avait élevé un hôpital pour les pauvres au fond de son parc d'Anet et elle était très charitable. Mais il faut croire qu'elle imprimait à l'ordre une direction aristocratique qui ne convenait pas à Rabelais, puisqu'il finit par se mettre sous le patronage du cardinal de Lorraine, qui représentait le courant démocratique. Aussi se moque-t-il des gastrolatres coquillons. Cette épithète désignait particulièrement les maçons, qui semblent avoir toujours été gens d'action, tandis que les escribouilles ou engastrimythes étaient plus particulièrement clercs ou gens de plume et de conseil. L’hiéroglyphe spécial des maçons était un limaçon, ce qui leur avait fait donner le nom de coquillons ou gens à coquille; sous Louis XllI, on les nommait caquerolles, nom bourguignon du limaçon.


II parait que Diane aimait à bien dîner et servait de son mieux messer Gaster; c'est à son intention que Rabelais transforme le classique Maschecroûte des Lyonnais en Manduce. Le Maschecroûte, monté sur un bâton doré et faisant cliqueter sa gueule, donnait la devise :

Qu'honore Maschecroûte nait qu'il écoule gueule.

C'est-à-dire : Qui honore Maschecroûte ne doit écouter que sa gueule. En changeant Maschecroûte en Manduce, Rabelais disait :

Que normande senescale coûte gueule.
(Que la gueule de la sénéchale normande nous coûte cher !)

Et, comme preuve à l'appui, il donne immédiatement les menus pantagruéliques de la sénéchale, que payait naturellement le pauvre peuple. Aussi se mit-il à dos les deux branches de la famille de Goulia et eut-il grand’peine à publier son quatrième livre. Mais il s'en consolait avec son pantagruélin, devise stoïque qu'on est tout étonné de trouver dans cette joyeuse apologie de la boustifaille; car son sens était

Peine te greve l'y ait ne.
(Qu'il n'y ait pas de peine qui puisse t'atteindre.)

 

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